Collection « Paroles d’Archives »
Enquête sur une histoire vécue à Lamballe en 1706-1708
Sophie Naudin
14 mai 1723, vendredi, Maison de la Closture à Saint-Aaron
Louise et Julien de Queneleuc se regardent et éclatent de rire :
Julien reprend vite son sérieux et soupire :
— J’avais à peine 6 ans ! Et aujourd’hui, plus de 20 ans après, je crois ne jamais avoir eu aussi peur de toute ma vie !
— Ni couru aussi vite ! précise Louise, sa sœur ainée.
— Surtout dans un cimetière !
Leur plus jeune sœur, Jeanne, tend l’oreille.
— Tu te rappelles, reprend Louise, quand on est arrivés à la maison ? Père s’est mis à hurler qu’il tuerait Despreaux de ses propres mains s’il le recroisait ! Il a attrapé sa canne et l’a brisée sur son genou, d’un coup sec !
— Je me souviens surtout m’être demandé si on n’allait pas avoir droit à une bonne raclée avec les morceaux ! Il était tellement furieux !
Quand on le voyait dans cet état-là, il valait mieux ne pas être dans les parages !
Jeanne, intriguée par les propos de Julien demande d’une voix discrète :
— Notre père était-il donc si violent ?
Si elle est peu connue du public actuel, cette affaire, à l’époque, a marqué les esprits à Lamballe et dans ses environs. Tous ont suivi ou ont participé à ce procès plus ou moins intensément. Il s’agit d’un précieux témoignage social qui nous apprend beaucoup sur le quotidien des habitants au XVIIIème siècle. Ce procès constitue un instantané de première importance de la vie de la communauté de Lamballe et des villages environnants. Toutes les couches sociales y sont représentées.